Les métamorphoses de Félix-Antoine
Boutin
au Théâtre d'Aujourd'hui
Publié par Esther Hardy le Jeu. 17 mars 2016 à 18h00 - Contenu original Théâtre, Esther aux premières loges, Félix-Antoine Boutin, François Bernier, Lise Castonguay, Marcel Pomerlo, Salle Jean-Claude Germain, Théâtre d'Aujourd'hui |
S’inspirant d’un conte oral de la forêt
indochinoise, Félix Antoine Boutin crée une ode symbolique, une forme du mythe
de la création qui donne un sens à l’existence. La pièce « Un animal (mort)
petit guide pour se transformer tendrement » son septième spectacle, est
présentée à la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 26
mars, avec Marie-Lise Archambault, François Bernier, Lise Castonguay, Julianne
Desrosiers Lavoie, Marcel Pomerlo et Sébastien René.
Issue d’une quête personnelle et d’une volonté
d’utiliser des objets dramaturgiques dépaysants, cette pièce porte un fort
désir de l’absolu qui rappelle les grands archétypes des mythes créateurs.
D'ailleurs, toute la facture inspire la beauté des grandes tragédies… Dès qu’on
touche au sens de l’existence et aux grands archétypes, on effleure
inévitablement le symbolisme des drames mystères des dieux grecs. On pressent
la volonté de l’auteur de se rattacher au sens réel des choses et aux processus
de métamorphose de l’existence.
Sa rigueur personnelle le porte vers sa discipline
de prédilection : la rituélie et le sens du sacré. Auteur d’instinct,
Félix-Antoine souligne que « sa démarche consiste à retrouver l’importance du
geste qui donne un sens poétique aux choses. »
Marie-Lise Archambault
Le symbolisme de la parole et des arts graphiques
prend une grande place dans cette ode à la vie. La scène est foisonnante de
plantes, berceau d’où les personnages naissent, se transforment et meurent. En
toile de fond, un autel fait d’un arbre porteur de fruits souligne l’importance
du sens du sacré pour l’auteur et metteur en scène. Cette création inspirée
d’un conte indochinois me rappelle le mythe d’Adam et Ève, le conflit entre
Abel et Caïn, mais cette fois c’est Ève qui tue son double…et toujours la Mère
redonne vie.
Félix-Antoine Boutin
Crédits: Maxime Côté
Crédits: Maxime Côté
On respire et on s’inspire de ce superbe texte
lyrique ! Tout en restant très attentif à la moindre variante du drame mystère
qui se joue devant nos yeux.
Félix-Antoine nous fait visiter son riche monde
intérieur de sa poétique plume. Voici quelques extraits choisis:
« Regarde le
passé, car le futur n’en vaut plus la peine. »
« Ne plus se reconnaître, s’exiler. »
« Tu es libre, le réel est de l’écume et il faut prendre la mer. »
« Ne plus se reconnaître, s’exiler. »
« Tu es libre, le réel est de l’écume et il faut prendre la mer. »
Il nous parle aussi de la tendance québécoise à
avoir des boucs-émissaires sacrifiés en deux-trois coups de cuillère à pot sur
la place publique sans autre type de procès. Il illustre bien cette vision avec
l’importance d’un personnage qu’on aime à condamner nommée « la petite criss »!
Sur un ton narratif, cette pièce empreinte de
poésie ne nous parle pas d’animal, mais plutôt d’une forme d’animalité associée
à la noirceur intérieure qui évolue dans un cheminement vers la lumière,
accentuant ainsi l’importance de la métamorphose. Tous les personnages portent
cette démarche et s’y impliquent en profondeur. Soulignons la présence et la
belle spontanéité de François Bernier dans l’interprétation d’un personnage vif
et enthousiaste dans ses métamorphoses.
Le processus d’écriture a pris une grande place
dans sa création. L’auteur a d’abord fait un laboratoire aux Chantiers du
Carrefour international du Théâtre avec des artistes de Québec en 2014.
Accorder une grande importance à l’incarnation de sa création dans son espace
scénique était prioritaire. Avec la collaboration de la talentueuse scénographe
Odile Gamache, il a écrit la trame narrative dans une écriture scénique,
multipliant les échanges avec elle. De plus, Marilou Craft lui a prodigué de
précieux conseils dramaturgiques en l’accompagnant dans son processus
d’écriture.
Conscient de l’envergure de cette pièce poétique,
il le dit avec maturité: « Le texte est très dense, alors le public prend ce
qu’il veut. »
Cet auteur audacieux promet. Deviendra-t-il un
grand tragédien? Laissons-le nous surprendre dans ses multiples métamorphoses
et son cheminement engagé vers la beauté, la vérité et le retour vers soi…
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